Claude Bailleul

Afin d’épauler Leprieur, Hyacinthe Rigaud fit enfin appel, et selon toute vraisemblance selon nous, à Claude Bailleul, que l’on identifiait jusqu’ici (par défaut d’archives) comme le graveur et géographe François Baillieul, à l’orthographe pourtant bien distincte dès le XVIIIe siècle[1]. Bailleul vivait en réalité avec plusieurs membres de sa famille rue des Petits-Champs, sur la paroisse Saint-Eustache, où habita fréquemment Rigaud, et se trouvait allié aux Coypel dont on sait qu’Antoine et son fils Charles-Antoine étaient des amis fidèles du Catalan[2]. Fils de René Bailleul (m. 1740), marchand sellier au quartier Saint-André-des-Arts et de Marie-Anne Gabrielle Mauroy[3], Claude avait également un frère, Pierre, qui officia comme maître peintre de l’académie de Saint-Luc mais qui ne semble pas avoir fait une grande carrière[4]. L’une de ses sœurs, Marie-Anne (m. 1787), avait épousé Charles II Hérault (1688-?), fils de Charles-Antoine qui avait travaillé avec Rigaud, et qui s’allia ainsi à son beau-frère dans l’expertise d’œuvres de son oncle et de son cousin, Antoine et Charles-Antoine Coypel[5].

Malgré son intense activité dans l’atelier, de 1701 à 1714, seul le superbe portrait posthume de François de Salignac de La Mothe-Fénelon (1651-1715), signé en bas à droite sur un montant de la table « Bailleul p. 1718 », témoigne des grandes similitudes existant avec les productions de son maître[6].

 

Claude Bailleul, portrait de Fénelon. 1718. Périgueux, musée des Beaux-arts. nv. 72-2  © Collections Ville de Périgueux, Maap. Photo Gautier

 

Spécialisé sous Rigaud dans les répliques de bustes, de cuirasses et autres bras de fauteuils, on retrouve ici dans l’ample soutane de Fénelon recouverte de son aube de dentelle, le talent de Bailleul à sublimer les « habillements », spécialité qui fit sa réputation dans l’atelier. L’œuvre possède tout le décorum nécessaire à la gloire du prélat, de la table au lourd rideau, en passant par les riches tomes reliés des Œuvres de saint Augustin ou le fauteuil que Rigaud n’aurait pas renié. Bailleul peignit sans doute la tête de son modèle avant qu’il ne décède comme en témoigne la gravure de Claude Duflos, destinée à orner le frontispice des Aventures de Télémaque, fils d’Ulysse de Fénelon dans son édition de 1717. En 1708 et 1708, contre 20 livres à chaque fois, Bailleul s’était déjà essayé à la représentation d’un prince de l’Église en la personne du cardinal de Bouillon [P.991]. L’une des deux réductions en buste qu’il fit, correspond sans doute à celle récemment réapparue [P.991-1], dans laquelle on reconnaît bien la manière de Bailleul de traiter les visages, forçant sur l’aspect viril des chairs.

 


[1] Sur les Baillieul voir Roux, 1931, I, p. 398 et suivantes. La confusion fut faite dès 1975 dans l’article de Michel Soubeyran, « Un nouveau portrait de Fénelon au musée du Périgord », Bulletin de la Société historique et archéologique du Périgord, 1975, vol. 105, p. 203-312.

[2] Renonciation de Charles Bailleul à la succession de son frère François Bailleul, sellier à Paris (Ibid., ET/XV/597a, 28 octobre 1737).

[3] Inventaire après décès de René Bailleul, marchand sellier (Paris, Arch. nat., MC, ET/LXXIII, 30 juin 1740).

[4] Wildenstein, 1921, col. 30-32, n° 19 & 19 bis.

[5] Sur Antoine Copyel voir Garnier, 1989, p. 128, 158. Sur Charles-Antoine Coypel, voir Lefrançois, 1994, p. 186, 207.

[6] Huile sur toile, H. 143,6 ; L. 110,7. Périgueux, musée des Beaux-Arts. Inv. 75-1. Une copie réduite est conservée au musée national du château de Versailles (MV2939) et une autre en pied « adaptée » par Antoine Taisne (1692-1750) en 1733 est conservée musée de Cambrai (huile sur toile, H. 132 ; L. 100 cm. Inv. 22 P).

Autoportrait de Hyacinthe Rigaud. Coll. musée d’art Hyacinthe Rigaud / Ville de Perpignan © Pascale Marchesan / Service photo ville de Perpignan